La participation instituée contre les associations de locataires ? Concurrences et coopérations dans la négociation des rapports entre logeurs et logé·es

Par Claire Carriou
Français

Cet article porte sur les modalités actuelles de négociation des rapports locatifs entre logeurs et logé·es dans le logement social. Si les associations de locataires ont joué un rôle historique majeur dans ­­l’histoire des relations entre les organismes HLM et les locataires, portant revendications et mobilisations, elles apparaissent souvent dépassées aujourd’hui : vieillies, peu mobilisatrices, décrédibilisées par les bailleurs et inconnues de la plupart des locataires. Aussi les dispositifs participatifs mis en place par les organismes HLM ­­ont-­­ils souvent comme agenda (plus ou moins caché) de contourner ces associations et de créer de nouvelles interfaces de dialogue « avec la majorité silencieuse » (selon les termes ­­d’un responsable de gestion locative). Pour autant, les enquêtes que nous avons menées révèlent des relations faites ­­d’ambivalences, voire de collaborations plus ou moins contraintes, entre les bailleurs et ces associations, qui invitent à lire autrement la perspective de mort annoncée de ces dernières. Les associations de locataires disposent ­­d’un certain nombre de ressources qui leur permettent de conserver des marges de pouvoir : connaissance fine du terrain, position de médiation, enfin capital militant, dont les organismes HLM tirent parti dans la mesure où cela sert leurs intérêts. Ainsi se met en place, dans nombre de cas, un système ­­d’intérêts croisés : les bailleurs ­­s’appuient sur les associations de locataires dont ils peinent à se passer, tandis que les associations de locataires ­­s’attachent, pour un certain nombre ­­d’entre elles, à se déployer dans les dispositifs de participation leur permettant (peut-être) de trouver des forces pour se régénérer et continuer à défendre les droits des locataires.
This article looks at current negotiations between landlords and tenants in social housing. Although tenants’ associations have played a major role in the past, making demands and mobilizing people, they often appear outdated today: ­­old-­­fashioned, discredited by social landlords and unknown to most tenants. As a result, the participation institutionalized by social housing organizations often has the (more or less hidden) aim of bypassing these associations and creating new interfaces for dialogue “with the silent majority” of tenants (to use the words of one rental management manager). However, the surveys we have carried out reveal ambivalent relationships, and even more or less constrained collaborations, between social landlords and these associations, which suggest that the latter are far from disappearing as the literature sometimes claims. Tenants’ associations still have resources that enable them to retain margins of power: detailed knowledge of the area, a position as mediator, and militant capital, which social housing organizations take advantage of insofar as it serves their interests. In many cases, a system of ­­cross-­­interests has been set up, in which social landlords rely on tenants’ associations, which they find difficult to do without, while some tenants’ associations try to get involved in institutionalized participation schemes, which may (perhaps) enable them to regenerate themselves and continue to fight for tenants’ rights.

  • ­­mots-­­cléslogement social
  • participation
  • associations de locataires
  • rapport locatif
  • capital militant