Le tirage au sort démocratise-t-il la démocratie ? Ou comment la démocratie délibérative a dépolitisé une proposition radicale

IV. Le monde contemporain
Par Julien Talpin
Français

Le retour du tirage au sort en politique depuis quarante ans tient beaucoup à son appropriation par les théories de la démocratie délibérative, qui ont fait de dispositifs tirés au sort les espaces centraux de la délibération démocratique. Cette appropriation n’avait pourtant rien d’évident. Elle tient à la trajectoire scientifique de certains de ses promoteurs et à des évolutions parallèles au sein du champ politique. En dépit du vent de fraîcheur qu’elle fait souffler sur le gouvernement représentatif, la promotion scientifique du tirage au sort ne s’est pas nécessairement traduite par une démocratisation de la démocratie. Si ces expérimentations contribuent à démontrer les capacités délibératives des citoyens ordinaires, elles n’ont qu’exceptionnellement contribué à accroître leur pouvoir dans la prise de décision. La focalisation des recherches sur l’analyse des dynamiques délibératives au sein des dispositifs tirés au sort a dès lors été fortement critiquée par des théoriciens revendiquant un retour à l’inspiration habermasienne initiale d’une plus grande délibération dans l’espace public, et non au sein de mini-publics. Ce tournant systémique a marginalisé le tirage au sort au sein de la théorie délibérative la plus récente. Après avoir retracé ce cheminement intellectuel, nous voudrions esquisser quelques pistes de réflexion sur la façon dont le tirage au sort pourrait contribuer à ranimer la flamme critique de la théorie délibérative, via son usage oppositionnel par les mouvements sociaux.

Mots-clés

  • histoire des idées politiques
  • délibération
  • dépolitisation
  • professionnalisation
  • mouvements sociaux
  • démocratie participative
  • contre-pouvoir
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